Histoire de l’occupation du territoire de la MRC de Rivière-du-Loup
Afin de comprendre ce qui caractérise l’occupation actuelle du territoire de la MRC, il importe de revenir en arrière pour connaître les différentes phases d’évolution que celui-ci a connu.
Les premiers occupants du territoire sont bien sûr les amérindiens, alors que leur présence remonte à plusieurs millénaires. Le territoire était alors un lieu de passage entre la vallée du Saint-Laurent et les maritimes.
C’est par le Fleuve Saint-Laurent, porte d’entrée maritime du territoire, que les premiers arrivants européens touchent le sol de l’actuelle MRC de Rivière-du-Loup. Bien que Cartier relate avoir passé par la région en 1535, ce sont les marins basques qui sont les premiers à occuper le territoire au début du 17e siècle, installés de façon saisonnière à l’embouchure du Saguenay. Ceux-ci sont également présents à L’Isle-Verte et à Cacouna afin de faire du troc avec les amérindiens et de pratiquer la pêche à la baleine et au loup-marin.
Comme dans une bonne partie du Québec, c’est le régime seigneurial qui orientera l’établissement des premiers peuplements sédentaires au Bas-Saint-Laurent. Bien qu’un certain nombre de seigneuries (entre trois et cinq, selon les sources) sont concédées entre 1672 et 1684 sur le territoire de la MRC de Rivière-du-Loup, celles-ci ne font pas l’objet d’une intense mise en valeur pendant toute la durée du régime français. À la différence de ce qu’on observe dans les seigneuries situées à l’ouest de Kamouraska, aucune exploitation commerciale des ressources ne se fait sur les seigneuries du territoire et très peu de familles viennent s’y établir.
Malgré cela, tout au long du 18e siècle, c’est la seigneurie de Villeray sur le territoire de L’Isle-Verte qui semble se développer la plus rapidement. Dès 1713, le nombre de colons y est suffisant pour justifier la fondation de la mission catholique de Saint-Jean-Baptiste-de-L’Isle-Verte. En 1738, on érige un tout premier moulin à farine sur la rivière du Petit-Sault (sur le site de l’actuel moulin du Petit-Sault), signe que la production agricole n’est déjà plus négligeable. Plus à l’est, dans les seigneuries du Parc (Cacouna) et de Rivière-du-Loup, la colonisation est plus lente. Les premiers agriculteurs de Cacouna arrivent en 1721 et ce n’est qu’en 1798 qu’ils sont assez nombreux pour justifier la fondation d’une mission catholique. À Rivière-du-Loup, la population n’est que de 68 habitants en 1765 et ce n’est qu’en 1792 qu’une première messe y est célébrée.
Ces premières colonies survivent notamment grâce aux ressources maritimes (phoque, anguilles, morues etc.). D’ailleurs, à cette époque, c’est le Fleuve qui constitue la seule et unique voie de communication. Ce n’est qu’à partir de 1783 qu’une véritable route relie le territoire de la MRC aux autres régions. Cette route, le chemin du Portage, relie Rivière-du-Loup à la vallée du fleuve Saint-Jean et à l’Acadie, inaugurant ainsi le rôle de nœud de communication que conservera cette ville jusqu’à aujourd’hui.
Une terre d’accueil pour les colons en provenance de la Côte-du-Sud
C’est au début du 19e siècle, que le développement du territoire de la MRC de Rivière-du-Loup prend réellement son envol. La plupart des bonnes terres cultivables étant déjà défrichées en Côte-du-Sud, le territoire voit affluer des dizaines de familles de colons en provenance de cette région à la recherche de nouvelles terres. Alors qu’en 1775 il n’y a déjà plus de place sur le littoral, cet afflue entraîne l’ouverture de nouveaux rangs à l’intérieur des terres. C’est à L’Isle-Verte, pôle de peuplement le plus ancien, que ce mouvement s’amorce : les premières familles s’établissent sur le rang de la Montagne à partir de 1782. Vers 1810, à l’échelle du territoire de la MRC, on retrouve déjà près de 60 habitations sur la 3e rangée de concessions et près d’une trentaine sur la 4e.
Les 3 missions du littoral atteignent à peu près en même temps un niveau de développement suffisant pour justifier le statut de paroisse : l’érection canonique de la paroisse de Saint-Georges-de-Cacouna remonte à 1825, celle de Saint-Jean-Baptiste-de-l’Isle-Verte à 1828, alors que la création de Saint-Patrice-de-Rivière-du-Loup date de 1833. Le mouvement de colonisation s’accélérant, une première paroisse est érigée à l’intérieur des terres à peine treize ans plus tard (Saint-Arsène, 1846).
Une région marquée par la villégiature
Alors que la pêche, l’agriculture et, dans une moindre mesure, l’exploitation forestière, sont les principaux domaines d’activité économique depuis le début de la colonisation (près de 75% des habitants de la seigneurie de Rivière-du-Loup sont agriculteurs en 1831), une toute nouvelle industrie fera rapidement son apparition dans la région : le tourisme. La bourgeoisie urbaine de Montréal et de Québec qui cherche à fuir la chaleur accablante des villes en été s’entiche de la région à partir des années 1840. Ce sont l’air frais et salin et les paysages qui attirent les villégiateurs à Notre-Dame-du-Portage, Cacouna et Fraserville (appelé Rivière-du-Loup uniquement à partir de 1919). Le mouvement entraîne la construction de nombreuses villas luxueuses et des hôtels, comme le St. Lawrence Hall de Cacouna construit en 1863 et qui comportait 600 chambres. En 1873, Fraserville est nommée capitale estivale du Canada en raison de la présence pendant la période estivale du 1er Premier ministre canadien, Sir John A. Macdonald. Plusieurs décennies plus tard, la région accueillera également le Très Honorable Louis St-Laurent, ainsi que certains membres de son cabinet.
L’impact du chemin de fer sur le développement local et régional
Jusqu’au milieu du 19e siècle, deux villages se disputent le titre de chef-lieu régional : Fraserville (Rivière-du-Loup) et L’Isle-Verte. Aucun de ces deux pôles ne se démarque nettement de l’autre du point de vue économique ou démographique. En 1859, c’est L’Isle-Verte qui est choisie pour accueillir le palais de justice (cour de circuit). Cette même année, cependant, une décision est prise qui fera définitivement de Rivière-du-Loup le principal pôle urbain de la région. C’est en effet cette municipalité qui sera choisie pour l’implantation du terminus du chemin de fer du Grand Tronc. Il semblerait que l’influence du maire de l’époque ait joué en faveur de Fraserville.
La construction de l’Intercolonial en 1876 et du chemin de fer du Témiscouata, en 1889, tous reliés à Fraserville, confirment et affirment la vocation de nœud de communication que cette municipalité a depuis la construction du chemin du Portage en 1783. L’instauration d’un service de traversier sur le fleuve, et la construction de la route 185 puis des autoroutes 20 et 85 renforceront cette vocation jusqu’à aujourd’hui. À la fin du 19e siècle, la présence de ce nœud ferroviaire apporte un très grand dynamisme économique à la ville et contribue à y attirer des entreprises industrielles. Il faut dire que les chutes sur la rivière du Loup à la hauteur de Fraserville offrent un grand potentiel hydroélectrique et fournit l’énergie nécessaire à l’industrie. On trouve à Fraserville, début du 20e siècle, un atelier de réparation de wagons et de locomotives. En quelques décennies, Fraserville qui compte 5 000 habitants en 1900, est devenue une petite ville industrielle prospère, de loin le principal pôle économique de l’est du Québec.
Un développement économique et démographique inégal sur le territoire
Pendant ce temps, l’économie des paroisses rurales connaît une certaine stagnation. L’agriculture, sur les terres de la plaine littorale (laquelle est entièrement défrichée) n’arrive plus à faire vivre les familles nombreuses. Malgré l’ouverture de nouvelles paroisses sur le piedmont des Appalaches (Saint-Épiphane; Saint-Paul-de-la-Croix et Saint-François-Xavier-de-Viger en 1870) puis sur les hauts plateaux (Saint-Cyprien en 1878 et Saint-Hubert en 1885), le territoire de la MRC devient une source d’émigration vers les États-Unis. Cette émigration est si importante lors de la décennie 1881-1891, qu’elle force même la fermeture de la paroisse de Saint-François-Xavier-de-Viger, en 1892. Cette paroisse ne sera rouverte qu’en 1978. Pendant toute la première moitié du 20e siècle, les paroisses rurales du territoire connaissent un développement économique modéré. Bien que la population du territoire continue de croître, elle est désormais moins rapide que la croissance naturelle (excédent des naissances sur les décès). Après avoir été une terre d’immigration entre 1830 et 1880, les paroisses rurales de la MRC de Rivière-du-Loup sont, dès 1880 et jusqu’à aujourd’hui, une terre d’émigration.
La présence des autochtones des Malécites de Viger
La période pendant laquelle la pression démographique s’accroît sur les terres agricoles du territoire est aussi une période de grands bouleversements pour les autochtones de la région. Présents depuis des milliers d’années, les Malécites ont toujours été des nomades vivant essentiellement de la chasse, de la pêche et du commerce avec les autres nations. Le gouvernement et le clergé souhaitant sédentariser cette population, une réserve est créée pour eux en 1827 sur le territoire de l’actuelle municipalité de Saint-Épiphane. Fait singulier, cette réserve est orientée sur les points cardinaux, désaxées de près de 45 degrés par rapport à l’orientation générale des terres concédées jusqu’alors.
Voyant que les autochtones peinent à s’établir sur place et à mettre en valeur le potentiel agricole de la réserve, les habitants des paroisses voisines, à l’étroit sur des terres parfois peu productives, font pression sur le gouvernement pour que la réserve soit abolie. En 1869, les terres de la réserve sont retirées aux Malécites et remises à l’Église pour qu’elle les redistribue aux colons de la région, après un redécoupage cadastral. Se retrouvant sans réserve, les Malécites qui y vivaient toujours retournent à Cacouna où la présence de leurs ancêtres remonte à plusieurs générations. En 1891, le gouvernement finit par leur acheter un petit bout de terre (0.18 hectares) sur la pointe de Cacouna, en bordure du fleuve. Ce lieu n’a jamais été habité que par quelques familles. Aujourd’hui, on compte toujours une réserve malécite à cet endroit, mais le peuple est dispersé et n’y vit plus.
Le bouleversement du 20e siècle
Le 20e siècle bouleverse en profondeur la dynamique de l’occupation du territoire de la MRC. Malgré le profond déclin des activités liées au chemin de fer et la relative stagnation de l’économique de Rivière-du-Loup, cette ville va continuer d’accaparer la majeure partie de la croissance démographique. Bien qu’elle perde son rôle de «métropole» du Bas-Saint-Laurent au profit de Rimouski, Rivière-du-Loup continue de se développer en « misant de plus en plus sur les activités commerciales et tertiaires : déjà établie depuis longtemps comme centre de distribution et de commerce de gros pour l’est du Québec et les Maritimes, elle consolide son contrôle du commerce de détail et des services privés ou publics pour sa région immédiate ».
Parallèlement au développement de Rivière-du-Loup et de sa proche couronne, s’amorce, à partir de 1960, un important déclin démographique des municipalités rurales du territoire. Ce déclin s’explique notamment par les transformations profondes que connaissent les activités agricoles et forestières à partir de cette époque : mécanisation des travaux en forêt et dans les champs, consolidation des fermes, abandon des terres les moins fertiles etc. Ainsi, en 45 ans, la part des municipalités rurales dans la population de la MRC a diminué pratiquement de moitié, passant de 38 % en 1961 à 20 % en 2006. Il est cependant important de noter que l’exode rural a beaucoup ralenti depuis 1991. La population des municipalités rurales de la MRC s’est légèrement accrue, depuis 2001, contribuant ainsi au récent dynamisme démographique du territoire. En effet, entre 2001 et 2006, la population totale de la MRC s’est accrue à un rythme plus rapide que la population du Québec.